Pour célébrer le 30ème anniversaire de son premier album Mythomane, Etienne Daho a choisi de faire les choses en (très) grand et de republier quatre disques clés de sa discographie.
Mythomane, donc, qui inaugurait en 1981 une nouvelle vague frenchy but chic en croisant le meilleur des yéyés et le plus chic de la New Wave.
Pop Satori, coup d’accélérateur en 1986 d’une Dahomania qui allait faire tomber la France à la renverse.
Corps et armes qui voyait Daho aborder les années 2000 avec la sérénité spirituelle et la volupté charnelle d’un bel ami épicurien.
L’invitation enfin, dernier album en date (2008) de cet hôte plus que jamais chaleureux et généreux de la pop française. Généreux, ô combien, car chacun de ces albums nous parvient aujourd’hui agrémenté d’une trentaine d’inédits et raretés, véritable trésor constitué de maquettes, d’extraits de répétition, de duos et de reprises, de morceaux live et de prises ou de mixes alternatifs qui donnent parfois la sensation de redécouvrir avec un regard totalement neuf et souvent ébloui des disques que l’on pensait connaître par cœur.
Au-delà du programme original – que l’on retrouvera sur les vinyles qui sortent en parallèle -, ces nouvelles versions permettent de documenter leur époque à travers les choix, les rencontres, les hésitations et les invitations qui rythment l’opulente livraison d’extras que contient chacun d’entre eux. A l’exception de la version « deluxe » de Pop Satori, déjà publiée en 2006, les trois autres lèvent ainsi pour la première fois le voile sur l’envers du décor qui aura présidé à la réalisation de ces albums. Quatre albums très différents mais rassemblés ici avec le souci d’une certaine cohérence, le premier et le dernier pour former une boucle et entre ces pôles opposés deux moments d’altitude d’une discographie qui n’a toutefois jamais connu de trous d’air ni de calme plat.
La réédition grand format de Mythomane nous ramène quelques années avant sa sortie, en 1978, à l’époque où Etienne Daho se fait encore appeler Etienne Daho Jr. Il n’est alors qu’un étudiant passionné de musique qui a eu la chance de grandir à Rennes, la ville rock la plus en pointe de l’hexagone. Fin connaisseur du Velvet, de Gainsbourg, de Ricky Nelson et de Françoise Hardy, il vénère aussi le groupe punk français le plus distingué de l’époque : Les Stinky Toys.
Cette année-là, il s’endette pour organiser un concert des Toys à Rennes provoquer le destin dans l’idée de rencontrer le couple Elli et Jacno, prise mâle et femelle de ce groupe électrique. Ce sont eux, plutôt que ses amis, qui reçoivent les premiers cette confidence de grand timide : Etienne écrit des chansons.
Pour l’heure, il se contente de les chanter, a capella, sur un petit magnéto à cassettes, puisqu’il ne sait pas jouer du moindre instrument. Porté par les encouragements baptismaux d’Elli et de Jacno, Etienne commence à dévoiler à ses proches son intention de chanter et c’est Richard Dumas, futur photographe de renom, qui le premier va assister à cette éclosion. Dumas est guitariste dans un groupe rennais, TVC 15, et a songé un moment demander à Etienne d’en devenir le chanteur. Celui-ci a décliné l’invitation mais au mois de novembre 1979, Dumas accepte de l’accompagner à la guitare pour une série de démos que l’on découvre aujourd’hui pour la première fois.
Un témoignage précieux et stupéfiant, car Etienne possède déjà vocalement tous les charmes qui s’épanouiront bientôt en studio, et malgré leur aspect rudimentaire ces maquettes préhistoriques montre à quel point Daho avait déjà clairement échafaudé les plans de son premier disque. Parmi les autres bonus, on découvrira une autre série de maquettes, réalisées en studio cette fois, avec les musiciens de Marquis de Sade qui joueront également sur l’album officiel, produit par Jacno.
On entendra aussi ces répétitions, toujours en compagnie de Darcel et sa bande, prises sur le vif avant le premier passage de Daho aux Transmusicales de Rennes en décembre 1980, puis des extraits du même concert retrouvés par miracle. Autant d’étapes précises, méticuleuses, comme un parcours initiatique avant le grand saut que constitue Mythomane, qui sera en décembre 1981 le premier album publié par la toute nouvelle branche française du label Virgin. Son succès sera mesuré, mais à l’évidence ce disque porte en lui tous les semis qui donneront des années plus tard les récoltes que l’on connaît. Sous sa pochette vaporeuse signée Antoine Giacomoni avec des lettrages réalisés par Elli Medeiros, c’est le témoignage sensible d’un jeune homme moderne et nostalgique, qui se « raconte des histoires » sur des musiques qui doivent autant au rock virginal des années 50/60 qu’à la pop légèrement colorée par le funk du début des eighties.
Il dévoile également cette voix au feutré unique, qui bien qu’encore un peu verte possède déjà pas mal des nuances qui feront sa distinction. Mais l’histoire de Mythomane n’est plus figée dans les brumes de ces années d’apprentissage. L’an dernier, alors qu’il présentait à Brest le spectacle du Condamné à mort de Jean Genet avec Jeanne Moreau, Etienne retrouva dans sa loge un mystérieux CD intitulé Mythomane par HF90. Ce duo breton, fan de l’album, en avait réalisé sa propre version, et Daho fut tellement séduit par le résultat qu’il a demandé à HF90 de retravailler deux titres avec les voix d’origine, l’occasion d’une rencontre de haute voltige avec passage d’un mur du son noisy qui donne une toute autre allure aux morceaux. Avec un total de 32 bonus ajoutés aux dix titres de l’époque remasterisés, ce super Mythomane 2011 ne ment pas sur sa luxueuse promesse.
Christophe Conte
Mythomane
Deluxe Remastered (1978-1982)
Existe en version CD Deluxe et vinyle remasterisés (avec coupon pour télécharger gratuitement l’album).
Double CD 42 titres dont 30 bonus inédits
CD1 : Album Mythomane
et bonus inédits (1981-2011)
1. Il ne dira pas (Remasterisé en 2011)
2. Ton cinoche (Remasterisé en 2011)
3. Mes copains (Remasterisé en 2011)
4. On s’fait la gueule (Remasterisé en 2011)
5. Va t’en (Remasterisé en 2011)
6. Cow-boy (Remasterisé en 2011)
7. Encore cette chanson (Remasterisé en 2011)
8. L’été (Remasterisé en 2011)
9. Tu dors encore (Remasterisé en 2011)
10.Mythomane (Remasterisé en 2011)
11. Il ne dira pas (single edit) (Remasterisé en 2011)
12. Ton cinoche (single alternatif)
13. On s’fait la gueule (single alternatif)
14. Il ne dira pas (HF 90 Version 2011)
15. Ton cinoche (HF 90 Version 2011)
16. Mythomane (Version 2009)
CD2 : Mythomane, la génèse.
(Démos perdues, premiers mixes et live inédits) 1978-1982
1. Il ne dira pas (Démo 78)
2. Ton cinoche (Démo 78)
3. Va-t-‘en (Démo 78)
4. Cow-boy (Démo 78)
5. Encore cette chanson (Démo 78)
6. Interlude à la Désirade (Démo 78)
7. Sans rire, sans parler (Démo 78)
8. Je t’ai oubliée (Démo 78)
9. Mythomane (Démo 78)
10. Mythomane (K7 Démo 78)
11. Cette histoire (Répétitions 1979)
12. Tu dors encore (Répétitions 1979)
13. On s’fait la gueule (Répétitions 1979)
14. Il ne dira pas (Répétitions 1979)
15. Ton cinoche (Démo 1980)
16. Cow-boy (Démo 1980)
17. Cette histoire (Démo 1980)
18. Va t’en (Démo 1981)
19. Mes copains (Démo 1981)
20. Soleil de minuit (Démo 1981)
21. Il ne dira pas (Remasterisé en 2011)
22. Mes copains (Remasterisé en 2011)
23. Va t’en (Remasterisé en 2011)
24. Encore cette chanson (Remasterisé en 2011)
25. L’été (Remasterisé en 2011)
26. Ton cinoche (live)
27. Le 8 octobre 1981 (Remasterisé en 2011)
En parallèle à ces quatre rééditions sort une double compilation voulue comme un véritable parcours intime en 40 titres, dont de nombreuses raretés, choisis avec minutie par Etienne en personne. Son titre : Monsieur Daho. C’était bien la moindre des choses.
Christophe Conte